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6 déc. 2010

Cantona, la Révolution et nous

Les « buzz » sur Internet fonctionnent un peu comme un thermomètre pour prendre le pouls de ce qui travaille la société.
Et en voilà un qui chatouille là où ça fait mal : La proposition d’Eric Cantona, le célèbre footballateur, également connu pour sa carrière au cinéma et son engagement contre la pauvreté. C’est une interview vidéo de 2 minutes réalisée pour Presse Océan le 8 octobre dernier, vidéo qui a été vue plus de 144.000 fois sur You Tube et près de 50.000 fois sur Dailymotion. De quoi s’agit-il ? Cantona propose de faire une révolution pacifique : « pas d’arme, pas de sang, à la Spaggiari ». Puisque, quand on descend dans la rue, ça ne sert à rien, il faut attaquer le système dans son organe le plus vital : la banque. L’idée, c’est que chacun aille vider le même jour son compte en banque. Si 20 millions de personnes font ça, les banques s’écroulent. « C’est pas compliqué », argumente-t-il à l’écran, affalé sur un canapé. Je vous vois déjà, brosse à dents ou tartines à la main, en train de soupirer : quel rigolo ce Cantona ! Ou quel irresponsable ! Du haut de son compte en banque bien nourri, Cantona peut faire sourire avec ses conseils au peuple un rien paternalistes ou ses leçons aux syndicats – je le cite, alors qu’il s’exprime en pleine mobilisation sur les retraites : « il faut leur donner des idées des fois ». Et c’est vrai, la référence à Spaggiari, ce cerveau du casse du siècle de la Société Générale à Nice en 1976, n’est pas des plus fines : l’homme n’avait rien d’un Robin des Bois, ou d'un Alexande Jacob… Mais il y a de la sincérité et surtout, une idée séduisante par ses présupposés on ne peut plus sérieux.

Avec sa proposition, Cantona rappelle que l’argent qui alimente les délires spéculatifs, c’est le nôtre, c’est le fruit de notre travail. La financiarisation de l’économie se traduit par une confusion entre les banques de dépôts et les banques d’affaire, qui ne font qu’une depuis 1966. La bulle spéculative a besoin de sources nouvelles. C’est pourquoi l’argent de nos salaires est stimulé pour entrer dans le circuit capitaliste. C’est ainsi que se sont développés les SICAV, les fonds de pension, des produits d’épargne divers et variés : pour que soit investie une part de nos salaires dans du capital. La proposition du grand footballer est donc une façon de dire halte au processus de financiarisation de l’économie et une manière d’interpeller sur la richesse : d’où elle vient-elle et qu’en fait-on ? Alors que la richesse se situe du côté du travail, elle alimente le capital.

En nous invitant à retirer nos sous des banques, Cantona affirme qu’il n’y a pas de fatalité à l’engrenage dans lequel notre système est englué. A condition que se produise une irruption citoyenne, une reprise en main par le plus grand nombre de nos destins. On peut ne pas subir, si l’on s’en mêle. D’ailleurs, il suggère en fait d’inverser le processus qui conduit à la crise, comme celle de 1929, en imaginant un retrait volontaire et non contraint de notre argent.

Est-ce la bonne méthode ? Il est plus que permis d’en douter. Et l’exemple argentin ne manquera pas d’être cité ou comment les effets d’une telle crise pourraient se retourner contre les plus pauvres. C’est là qu’intervient l’enjeu décisif de l’alternative, que nous revenons au cœur de la politique qui vise à transformer le réel. Mais le détour de Cantona est utile car il traduit simplement l’équation d’un système économique que l’idéologie dominante voudrait mathématique plus que démocratique. Il est aussi salutaire parce qu’il ouvre à sa façon un débat sur la stratégie, en captant sans doute un autre public que les « happy few » de la gamberge syndicale et politique.

Rien d’étonnant que sur facebook cela fasse événement. Plus de 26.000 personnes ont répondu à l’appel. La journaliste belge Géraldine Feuilline et le réalisateur français Yann Sarfati ont lancé un site, traduit en six langues : www.bankrun2010.com. Et ils proposent une date pour la déclaration de guerre aux banques : c’est le 7 décembre, mardi prochain. Tiens, le jour anniversaire de l’attaque de Pearl Arbor…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Eh bien voilà, une analyse qui tient la route contrairement aux multiples élucubrations pondues par les recalés de l'épreuve de philo au bac !

Auteurs a dit…

L'analyse est peut être bonne mais celui qui a porté cette action aurait du au moins prendre la décision de transférer ses comptes vers une banque éthique ...
L'idée qu'il a des banques ne doit pas dater d'hier ? alors pourquoi n'avoir pas dissuader sa femme de faire de la pub pour le nouveau Crédit Lyonnais ! Pas besoin d'avoir mention très bien en philo pour être perplexe... A ce sujet , il serait intéressant de dire de quelle élucubrations il s'agissait ?

Anonyme a dit…

... Pour avoir "mention très bien en philo", il serait judicieux d'avoir une orthographe suffisante ! :-)